NÉERLANDAISE (LITTÉRATURE)

NÉERLANDAISE (LITTÉRATURE)
NÉERLANDAISE (LITTÉRATURE)

Il est très difficile de délimiter chronologiquement et géographiquement la littérature néerlandaise. Parmi les textes conservés, les plus anciens remontent aux environs de 1150. On est en droit de penser que tous les textes transmis oralement n’ont pas été transcrits, et que les écrits les plus anciens héritaient déjà d’une tradition. Les textes en néerlandais ancien (francique occidental ou oriental) n’ont pratiquement pas été conservés: les premiers documents datent du XIIe siècle.

La langue dans laquelle ces textes étaient établis ne s’appelait pas néerlandais. Le nederduytsch (bas allemand), ou diets ou duuts , se développa surtout à partir du francique – ensemble des dialectes de la principale branche germanique dans la région de la frontière nord de l’actuelle Hollande –, à partir des dialectes allemands dans l’est et le long de la frontière linguistique qui va de Boulogne à Aix-la-Chapelle. Tout en ne formant pas une langue culturelle, le limbourgeois, le flamand de l’est et de l’ouest, le brabançon et le hollandais sont suffisamment apparentés entre eux pour qu’on puisse les considérer comme base de la littérature néerlandaise, puisque c’est d’eux qu’allait sortir au XVIIe siècle, sous l’égide de la Hollande du Nord, une langue culturelle normalisée et unifiée. Le centre de cette littérature unique (néerlandaise) se situe dans les provinces sud jusqu’à la chute d’Anvers en 1585: le Nord prend alors la direction. Après une période de stagnation qui dure près d’un siècle et demi, la littérature néerlandaise méridionale reprend vigueur en Flandre; à partir de l’époque romantique, elle se développe en Hollande et en Flandre, bien qu’avec un certain décalage chronologique, parallèlement au développement littéraire de l’Europe, comme ce fut le cas à ses origines.

1. Moyen Âge et âge de la rhétorique (1150-1575)

Les plus anciens textes connus de la littérature néerlandaise sont ceux de Henric Van Veldeke, poète limbourgeois mosan de la seconde moitié du XIIe siècle. On possède de lui une Legende van Sint Servaes , une Eneide et une quantité de chants d’amour courtois. Au point de vue de la linguistique et de l’histoire culturelle et littéraire, son œuvre, influencée par la France, se situe à la limite de la littérature néerlandaise et de la littérature allemande.

Épopée, lyrisme et hagiographie

L’œuvre de Van Veldeke contient déjà trois grands genres de la littérature médiévale: épique, lyrique et hagiographique; on ne détient aucun texte de littérature dramatique d’avant le XIVe siècle.

Comme en France, la littérature épique se divise en deux temps, l’âge héroïque et l’âge courtois, bien que la chronologie ne puisse s’appliquer strictement à cette subdivision. En Flandre, en raison des contacts littéraires avec la France, la chevalerie féodale a suscité des épopées en vers tel Roelantslied (Chanson de Roland ) et des romans de chevalerie, Reinout van Montalbaen et Roman der Lorreinen . Les thèmes principaux de ces œuvres sont le respect de l’allégeance, la rivalité, la trahison, la vengeance. Il faut rattacher à ce genre Karel ende Elegast où la féodalité, le conte et la foi sont mêlés dans une solide structure épique. Le sujet de ces œuvres est, en général, centré sur Charlemagne.

En même temps que se développe en Flandre, à partir du XIIIe siècle, une civilisation placée sous l’influence de la noblesse et du clergé, on voit apparaître une autre variante du roman de chevalerie: le roman courtois qui se caractérise par des manières délicates, le culte de la femme et un langage raffiné. Des sujets celtiques empruntés au cycle arthurien (Walewein [Gauvin ] de Penninc et Vostaert; Ferguut [Fergus ]; Wrake van Ragisel [La Vengeance de Ragisel ]) se mêlent à des thèmes classiques (Het Prieel van Troyen , adaptation néerlandaise d’un fragment du Roman de Troyes , par Segher Diergodgaf; Alexander , par Jacob Van Maerlant) et à des sujets orientaux (Floris ende Blancefloer , adaptation de Floire et Blancheflor , par Diederic Van Assenede; Partenopeus van Blois , adaptation de Parthénopé de Blois ). C’est toujours l’influence française qui prédomine, quelle que soit la source plus lointaine d’inspiration. Ainsi, à l’exemple du Lancelot en prose répandu en France, il y eut en Flandre au XIVe siècle un grand nombre de récits celtiques, regroupés en une gigantesque compilation, probablement due à Lodewijk Van Velthem.

On trouve également en Flandre une version chrétienne du Voyage dans l’au-delà avec De Reis van Sinte Brandaen (Le Voyage de saint Brandan ). À la limite de la littérature épique et de la littérature didactique se situent des adaptations évangéliques, des hagiographies et des légendes mariales (Van den levene ons Heeren [La Vie de Notre-Seigneur ]; Limburgs Leven van Jesus [Vie limbourgeoise de Jésus ]; Leven van Sint Franciscus ; Theophilus ). Beatrijs , écrit probablement vers 1300, est l’histoire d’une nonne qui, s’étant enfuie de son couvent, fut remplacée par Marie; c’est une œuvre d’importance européenne.

La satire sociale, Van den vos Reynaerde , écrite par un certain Willem – probablement un clerc originaire de Gand –, est une épopée animale, pleine de talent, dont les matériaux viennent de Li Plaid , une branche du Roman de Renart , mais dont la valeur artistique dépasse de loin tous les autres récits de Renart. Les petits poèmes narratifs (sproken ) de Willem Van Hildegaersbergh, poète du Nord, connu dès la seconde moitié du XIVe siècle, sont des jalons dans l’évolution séculaire de la manière épique. Dans l’œuvre de Dirk Potter – notamment Der Minnen Loep (Les Cours d’amour ) –, la morale s’efface devant la présentation réaliste de l’érotisme.

Après les Minnelieder de Van Veldeke, la poésie lyrique s’exprime encore dans vingt-quatre Lundse liederen (Chants de Lund ), écrits en dialecte limbourgeois et ainsi nommés parce qu’ils furent découverts dans la ville suédoise de Lund en 1926. Cinq poèmes sont attribués avec certitude au duc Jean Ier de Brabant (dernier quart du XIIIe s.) et un bon nombre sont conservés dans le manuscrit du Gruuthuse (dernier quart du XIVe s.). Après les poèmes d’amour, facétieux ou raffinés, c’est la poésie religieuse qui est la plus appréciée dans les milieux de la «dévotion moderne».

La poésie lyrique néerlandaise du Moyen Âge est dominée par Hadewijch, noble dame brabançonne qui, vers le milieu du XIIIe siècle, fut l’auteur de stances d’amour mystique. En outre, elle écrivit des stances didactiques et, en prose, des visions et des lettres, toutes sous le signe de l’amour, relation personnelle avec l’Époux en termes d’unio mystica . Elle se sert d’une façon très personnelle de la rhétorique en usage dans la poésie courtoise profane. Contemporaine de Hadewijch, Beatrijs Van Tienen est l’auteur de Van seven manieren van heiliger Minne (Les Sept Manières de l’amour divin ). Citons encore Glose op den Pater noster , de Gheraert Appelmans. L’évolution du genre didactique va de pair avec celle de la culture bourgeoise dans les villes flamandes en expansion aux environs de 1300. Jacob Van Maerlant règne sur la littérature de la seconde moitié du XIIIe siècle grâce à son érudition encyclopédique et à son prestige moral. Il est aussi bien auteur d’écrits didactiques (Der Naturen Bloeme [L’Enseignement de la nature ]) que d’une Rijmbijbel (Bible rimée ) et d’écrits historiques (Spieghel historiael [Le Miroir de l’histoire ]). Il s’inspirait de modèles latins et français. Il écrivit aussi des stances, notamment Wapene Martyn , et un poème de croisade Vanden lande van over zee (D’un pays au-delà de la mer ), qui témoignent d’un plus grand talent poétique que ses encyclopédies rimées. C’est dans la tradition de Van Maerlant que se situe Jan Van Boendael (Der Leken Spieghel [Le Miroir des laïques ]) et Jan de Weert (Spieghel der sonden [Le Miroir des péchés ]). En Hollande, Melis Stoke donne une chronique de la maison ducale hollandaise et, dans Spieghel der minnen (Le Miroir des amours ), adaptation par Hein Van Aken du Roman de la Rose , le didactisme tourne à l’allégorie.

Après Hadewijch, la littérature religieuse connaît un second apogée avec la prose mystique de Jan Van Ruusbroec (1293-1381), prieur de l’abbaye de Groenendael près de Bruxelles. Die Chierheit der gheesteliker brulocht (L’Ornement des noces spirituelles ) est le plus important de ses traités de mystique: solidement édifié sur les bases de la théologie scholastique, il allie, dans une prose brillante, l’exaltation mystique et la description des joies et des souffrances très humaines de l’âme religieuse. C’est par Ruusbroec que la mystique flamande a rayonné sur toute l’Europe occidentale.

Cheminements du théâtre

Comparée aux trois genres précités, la littérature dramatique est peu représentée. Le théâtre néerlandais est sans doute issu de la liturgie et se jouait à l’intérieur ou aux abords de l’église. On n’a pas conservé de textes de ces premiers mystères, mais on possède quatre courtes pièces (abele spelen ) datant du milieu du XIVe siècle: Esmoreit , Gloriant , Lanseloet van Denemarken , Vanden winter ende vanden somer (De l’hiver et de l’été ). Les thèmes en sont romanesques, et elles ressemblent à des nouvelles. Des pièces de ce genre n’apparaissent si tôt nulle part ailleurs. Comme en Espagne ou dans d’autres pays européens, la représentation d’un abel spel était suivie d’une pièce comique en un acte (sotie), appelée boerde ou cluyte , telles que De Buskenblaser (Le Souffleur de boyau ) ou Nu noch (Encore! Encore! ).

C’est vers le milieu du XVe siècle, au temps où s’affirmait la puissance politique et culturelle de la maison de Bourgogne, culminant sous le règne de Charles Quint, que se situe l’époque de la rhétorique qui servira de transition vers la renaissance néerlandaise. Les influences de l’humanisme et de la Réforme se font sentir. Grâce à l’imprimerie et à l’importance croissante des villes, la littérature s’introduit dans la société bourgeoise et s’intègre à la vie publique. En Brabant, en Flandre, bientôt en Hollande, s’installent des «chambres de rhétorique» qui, à l’instar des guildes, ont tôt fait de s’organiser avec, à leur tête, un prince (protecteur et mécène) et un «factor» (guide artistique). Elles rehaussent de leur éclat les fêtes populaires, qu’elles soient d’église ou de dynastie, par des représentations théâtrales, des concours de poésie, des cortèges allégoriques. Elles organisent de grands concours de rhétoriqueurs, dont le dernier et le plus brillant eut lieu à Anvers en 1561. Les chambres ont atteint leur apogée au XVIe siècle. Leur art, surtout artisanal, a succombé au formalisme. Les genres les plus importants sont le théâtre et les refrains dont Matthijs de Castelein avait établi les règles dans un art poétique Conste van rhetoriken . La littérature dramatique comprend des pièces religieuses (Die eerste Bliscap van Maria [La Première Joie de Marie ]; Die sevenste Bliscap van Maria ), des miracles, des moralités (spelen van sinnen ), des pièces romantiques comme Spieghel der minnen (Le Miroir de l’amour ) de Colijn Van Rijssele. Dans le genre comique, on représente des esbattementen . La meilleure de ces pièces, Elckerlyc , dont la renommée fut mondiale, traduite plus tard en anglais sous le titre Everyman , a été écrite dans le dernier quart du XVe siècle par Petrus Van Diest. C’est une allégorie relative à la vie, à la mort et à l’au-delà, centrée sur la vanité de tout ce qui est humain. Il faut rattacher à la tradition littéraire de la fin du Moyen Âge qui prend pour thèmes la mort et les vanités terrestres le poème allégorique Van der mollen Feeste (La Fête des taupes ) d’Anthonis de Roovere. Un autre miracle, Mariken van Nieumeghen (premier quart du XVIe s.), malgré ses allégories, ses interventions surnaturelles et ses figures mythologiques, constitue le premier drame réaliste des lettres néerlandaises. Aujourd’hui encore, il est représenté et adapté. Dans la production lyrique qui, tout comme en France chez les rhétoriqueurs, connaît une variété de formes de versification d’une habileté acrobatique, notons surtout le refrain, poésie qui se compose de strophes régulières et de l’envoi au prince. Il existait trois sortes de refrains: in’t vroede, in’t sotte, in’t amoureuze (sérieux, bouffon, amoureux). Un certain nombre de ces refrains ont été rassemblés dans l’Antwerps Liedboek (1544, Chansonnier anversois ). L’auteur le plus célèbre de ce genre est l’Anversoise Anna Bijns (1493-1575), militante, polémiste, qui, par ses vers passionnés, intervenait dans les querelles religieuses. À l’extrême opposé de cette apologiste du catholicisme, nous trouvons le pamphlet de Philippe Marnix de Sainte-Aldegonde, Biyenkorf der heilige roomsche Kercke (1569, La Ruche de la sainte Église romaine ). Parmi les chansons de gueux qui exprimaient la résistance à l’occupant espagnol et à l’Église romaine, le plus connu est le chant populaire néerlandais Wilhelmus van Nassauwen (1560).

2. Temps modernes (1575-1775)

Les circonstances politiques et économiques firent du Nord du pays un État indépendant et du Sud un territoire occupé tour à tour par les Espagnols, par les Autrichiens et par les Français: le rôle littéraire des provinces méridionales perdit de son importance, alors que les arts plastiques donnaient le ton à l’Europe entière. Beaucoup d’habitants des provinces du Sud s’étant réfugiés en Hollande, des centres culturels florissants s’établirent à Leyde et à Amsterdam où la littérature néerlandaise connaîtra à son tour sa phase humaniste et renaissante, avec un retard considérable toutefois sur l’Italie, la France, l’Angleterre et l’Espagne.

Dans le Sud, l’esprit nouveau se découvre dans les œuvres de Lucas de Heere et dans celles de son disciple Carel Van Mander (Schilderboek , 1607 [La Vie des peintres ]), de même que chez le chansonnier Jan Van der Noot (Lofsang van Braband , 1580 [Éloge du Brabant ] et Justus de Harduijn (De weerliicke liefden tot Roose-Mond , 1613 [Les Amours profanes de Rosemonde ]). Les provinces du Sud, où triomphait la Contre-Réforme, virent naître l’œuvre du jésuite Adriaan Poirters (Het Masker van de wereldt afgetrocken , 1664 [Le Masque arraché au monde ]), le théâtre comique de Willem Ogier (De zeven Hoofdzonden , milieu du XVIIe s. [Les Sept Péchés capitaux ]) et une farce, encore jouable actuellement (De gecroonde Leersse , 1688 [La Botte couronnée ]), due à Michel de Swaen, de Dunkerque, qui réunit déjà les influences du classicisme français à celles de la renaissance d’Amsterdam.

L’esprit et le style de la Renaissance que l’on observe dans le Nord sont parfaitement mis en évidence par D. V. Coornhert (1522-1590), traducteur, prosateur, poète, auteur dramatique et moraliste; par H. L. Spieghel (1549-1612), auteur, avec Coornhert, d’un code pratique de langage, Twe-spraack van de nederduytsche letterkunst (Dialogue sur la littérature néerlandaise ); par Roemer Visscher. Selon la tradition de la Renaissance européenne, le monde des Anciens et leurs formes d’expression redécouverts par des humanistes comme Heinsius, Vossius... devinrent la source d’un art nouveau. Certains auteurs écrivaient en deux langues, ou même et plus souvent en latin (Heinsius, par exemple); ils traduisaient ou imitaient nombre de textes italiens, français et anglais. Amsterdam était devenue la capitale littéraire des Pays-Bas.

L’auteur le plus important de la Renaissance est l’aristocratique P. C. Hooft (1581-1647), diplomate, poète délicat de sonnets amoureux dans le genre de Pétrarque, historiographe (Nederlandsche Historiën ), auteur dramatique (Granida, Geeraerdt van Velsen, Baeto ). Il avait emprunté le sujet de sa comédie Warenar (1616), avant Molière (L’Avare ), à l’Aulularia de Plaute. Son œuvre marque le début du Siècle d’or (seconde moitié du XVIIe s., comme le classicisme français) dont les meilleures productions, en particulier la poésie lyrique, le théâtre comique et la tragédie (Vondel) atteignent un niveau européen.

Le contenu de l’œuvre de G. A. Bredero (1585-1618) est plus populaire et plus réaliste, bien que la forme ait acquis le raffinement de la Renaissance. Il est l’auteur de poèmes d’amour et de pièces comiques (Moortje , De spaanschen Brabander [Le Brabançon espagnol ], Lucelle ). Son esprit revit dans la poésie libertine de W. Van Focquenbroch (1630-1674). Joost Van den Vondel (1587-1679), né de parents anversois, porte la tragédie à son apogée avec des sujets tirés de la Bible (Lucifer , Adam in Ballingschap , [Adam en exil ]), de la littérature antique (Palamedes ) et de l’histoire nationale ou étrangère (Gijsbregt van Aemstel ). Ses œuvres dramatiques, parmi lesquelles on trouve aussi une pièce pastorale De Leeuwendalers , représentent l’exemple le plus pur du baroque néerlandais. Plus lyrique que dramatique ou burineur de caractères, Vondel insère dans ses pièces de théâtre de magnifiques chœurs. En outre, il écrivit des poèmes de haute qualité et des satires politiques (cf. J. van den VONDEL).

Le diplomate C. Huygens (1596-1687) a traduit des vers de John Donne, écrit de spirituelles épigrammes et des travaux de critique tels que Costelick Mal (1622, La Sottise coûteuse ).

Le poète mineur mais prolixe, Jacob Cats (1577-1660) fut un vulgarisateur de la morale protestante par le moyen de chants allégoriques. De même, Jacob Revius (1586-1627), Dirk Camphuysen (1586-1658) et Johannes Stalpart Van de Wiele (1579-1630) étaient auteurs de poèmes religieux inspirés des livres poétiques de la Bible, surtout des Psaumes fréquemment traduits et mis en vers à l’époque. Jan Luiken (1649-1710) prolongea jusque dans le XVIIIe siècle la tradition de l’allégorie.

La prose narrative était assez rare au XVIIe siècle. Johan Van Heemskerk publia un roman de voyages du genre galant, Batavische Arcadia (1637). À côté de la belle prose classique de P. C. Hooft qui trouva un successeur en Geeraerdt Brandt (Leven van Michiel Adriaen de Ruyter , 1687), c’est la Statenbijbel (version de la Bible des états généraux), terminée en 1637, qui est l’œuvre en prose la plus importante du XVIIe siècle.

Durant le dernier quart du XVIIe siècle, la littérature néerlandaise évolue, à peu près parallèlement à celle des autres littératures européennes, vers un académisme formaliste adonné à des imitations dénuées de vie. Par son prestige, la société d’Amsterdam appelée Nil volentibus arduum (1669) orienta les lettres vers le classicisme. Certains auteurs, comme H. C. Poot avec ses Mélanges poétiques (Mengeldichten , 1716), parvenaient cependant à garder un juste milieu entre l’épigonisme et la créativité. La littérature française introduit un esprit de rationalisme et de critique qui dominera encore une bonne partie du XVIIIe siècle. Des poèmes pleins d’emphase à la gloire de la nature et d’interminables épopées classiques se parent de formes très élaborées. Dès lors, à part un théâtre classique influencé par la France, illustré par une œuvre comme Achilles (1719) de B. Huydecoper, et la comédie bourgeoise représentée par Het wederzijds Huwelijksbedrog (1714, Tromperie conjugale réciproque ), de P. Langendijk, c’est la prose critique qui devient le genre prédominant, illustré par l’hebdomadaire de Justus Van Effen, De Hollandsche Spectator (Le Spectateur hollandais , 1731-1735). La littérature néerlandaise d’avant 1775 se caractérise par un (timide) éveil du sentiment de la nature ainsi que du sentiment national. Par la suite, les Provinces du Sud passaient sous la domination française. Elles étaient exposées à la francisation sur le plan culturel comme sur le plan économique et politique, d’où le fossé entre le peuple flamand et la classe cultivée, séparation qui allait durer deux siècles et susciter une querelle linguistique acharnée.

3. Époque contemporaine (à partir du romantisme)

Sous l’influence française (Rousseau), anglaise (Richardson, Ossian) et allemande (Sturm und Drang), la période préromantique s’ouvre vers 1780 avec le roman épistolaire Sara Burgerhart (1782) de deux femmes, B. Wolff et A. Deken; avec Julia (1783), le poème larmoyant de Rhijnvis Feith; avec la poésie lyrique de H. Van Alphen, J. Bellamy et W. Bilderdijk; les vieux modèles classiques servent à exprimer des sujets nouveaux. Dans le Nord, le sentiment national s’était éveillé et inspirait les œuvres de A. Loosjes, J. F. Helmers et D. J. Van Lennep. Dans le Sud, il se développa durant la période des Provinces-Unies et surtout après 1830 (fondation de l’État belge) et fut à la base du mouvement flamand et du romantisme. Dans le Nord, les premiers romantiques furent E. J. Potgieter qui fonda en 1837 la revue culturelle De Gids (Le Guide ) et, dans le Sud, J. F. Willems, le premier en date de la génération combative d’érudits, d’éducateurs et de littérateurs flamands.

À l’exemple de Walter Scott et de Victor Hugo, des auteurs tels A. Drost, D. J. Van Lennep, J. F. Oltmans, A. G. L. Bosboom-Toussaint s’attaquent au roman historique qui atteint son apogée avec le Flamand Henri Conscience (1812-1883), le plus traduit de tous les écrivains néerlandais. Après les romans relatant les hauts faits de l’histoire nationale, on vit apparaître, vers 1850, le roman de mœurs, comme Camera obscura (1839) de N. Beets et comme Ernest Staes, advocaat (1874) du Flamand Tony Bergmann. La pensée critique de C. Busken Huet (1826-1886), auteur de Het Land van Rembrandt (Le Pays de Rembrandt ), constitue déjà une étape vers le renouveau de 1885. Les deux auteurs romantiques les plus importants, dépassant de loin les limites de leur pays pour atteindre une dimension européenne, sont Multatuli (1820-1887) pour la prose, et Guido Gezelle (1830-1899) pour la poésie. Gezelle tire de son particularisme catholique et ouest-flamand une œuvre poétique d’un modernisme étonnant; quant à Multatuli, il exalte la suprématie du moi avec une violence révolutionnaire [cf. MULTATULI].

La revue De Nieuwe Gids fut fondée en 1885 par un groupe de jeunes: W. Kloos, F. Van Eeden, F. Van der Goes, W. Paap et A. Verwey. Elle rompait avec l’esprit étriqué d’un patriotisme romantique et s’orientait vers les courants les plus nouveaux en Europe: individualisme, esthétique, impressionnisme, naturalisme, symbolisme. La poésie de J. Perk et la prose de M. Emants avaient préparé la voie à ce renouveau. Le mouvement groupait des opinions différentes, sur le plan artistique comme sur le plan social, et des talents divers: W. Kloos, H. Gorter (auteur de Mei , 1889 [Mai ]), A. Verwey et H. Swarth pour la poésie; W. Kloos, A. Verwey et L. Van Deyssel pour l’essai et la critique; L. Van Deyssel, J. Van Looy, A. Prins, F. Netscher et L. Couperus, le plus grand romancier de sa génération, pour la prose narrative. Les romantiques anglais Shelley et Keats d’une part et les naturalistes français d’autre part ont eu une influence considérable sur le mouvement de Quatre-Vingts. En Flandre, la tradition de Gezelle est entretenue par A. Rodenbach et, dans la suite, par d’autres Ouest-Flamands comme H. Verriest et C. Verschaeve. Le mouvement de Quatre-Vingts, dirigé plus spécialement vers l’engagement social dans le cadre du mouvement flamand, fut à la base du renouveau dont l’organe était la revue flamande Van nu en straks (Maintenant et après ), fondée en 1893 par A. Vermeylen. Les figures dominantes de ce groupe sont K. Van de Woestijne (1878-1929) pour la poésie, C. Buysse (1859-1932), S. Streuvels (1871-1969) et H. Teirlinck (1879-1967) pour le roman. L’œuvre symboliste du mélancolique Karel Van de Woestijne (par ailleurs brillant écrivain de prose impressionniste) constitue avec la poésie de Gezelle, et immédiatement après elle, l’un des sommets poétiques des Pays-Bas du Sud. Stijn Streuvels a dominé la prose flamande pendant près d’un demi-siècle. P. C. Boutens (1870-1943) et J. H. Leopold (1865-1925) sont des poètes hollandais qui s’apparentent à Van de Woestijne.

Du groupe Nieuwe Gids , que firent bientôt éclater des divergences internes, naquirent diverses initiatives: les revues Tweemaandelijksch Tijdschrift (La Revue bi-mensuelle ) et De Beweging (Le Mouvement ) de A. Verwey, De Kroniek (La Chronique ) de P. L. Tak, les expériences sociales de F. Van Eeden, la propagande marxiste de H. Gorter, l’engagement social de Henriette Roland Holst-Van der Schalk et le théâtre naturaliste de H. Heyermans. Cependant, en réaction contre le réalisme de Quatre-Vingts, une littérature néo-romantique vit le jour avec A. Van Schendel qui allait publier dans l’entre-deux-guerres une série de remarquables romans d’analyse. Les jeunes écrivains du Nord et du Sud qui avaient débuté avant la Première Guerre mondiale, au contraire de leurs aînés, ne se laissent pas aisément grouper. Parmi les poètes émergent G. Gossaert, J. Van Nijlen, P. N. Van Eyck, A. Roland Holst et J. C. Bloem; parmi les prosateurs, N. Van Suchtelen, P. H. Van Moerkerken, J. Van Oudshoorn, F. Bordewijk, Nescio, E. Claes, et surtout W. Elsschot et F. Timmermans à qui l’on doit une œuvre vraiment originale. Félix Timmermans, poète et romancier du terroir, a recréé avec Pallieter un type breughélien en qui la sensualité païenne épouse le mysticisme et confère au héros une vitalité aussi intense que contagieuse.

Après une tentative d’expression moderne avec le groupe anversois De Boomgaard (Le Verger, 1909), l’avant-garde se révèle en 1916 avec les premiers recueils de vers du Flamand P. Van Ostaijen (1896-1928) et du Hollandais H. Van den Bergh (1897-1966). Une pléiade de périodiques, souvent de courte durée, canalisent le courant: Het Getij (L’Époque ), De vrije Bladen (Feuilles libres ), Ruimte (Espace ); ensuite, sous une forme moins révolutionnaire, ’t Fonteintje (La Petite Fontaine ), De Stem (La Voix ), De Gemeenschap (La Communauté ), Opwaartsche wegen (Chemins montants ), Pogen (L’Effort ), Hooger leven (Mieux vivre ), Forum , Vormen (Formes ).

La littérature moderniste, ayant assimilé les influences venant de France et d’Allemagne, est d’abord humanitaire et expressionniste avec Van Ostaijen, M. Gijsen, W. Moens, V. J. Brunclair, G. Burssens, K. Van den Oever, A. Mussche. D’autres prennent part au renouveau de la forme et du fond, tels que les poètes M. Nijhoff, H. Marsman, J. Slauerhoff, ces deux derniers ayant quelques œuvres en prose à leur actif.

Il y a bien une réaction contre l’expressionnisme avec les poètes de La Petite Fontaine , M. Roelants, R. Herreman et R. Minne, mais la pléiade des jeunes poètes (P. G. Buckinx, M. Gilliams, J. Werumeus Buning, A. Donker, P. Kemp, J. Engelman, B. Decorte, G. Achterberg, E. Hoornik, P. de Vree, L. Vroman, J. de Haes, H. Van Herreweghen) profitent tous plus ou moins du renouveau expressionniste. Le roman subit moins nettement l’influence de cette esthétique (mis à part les grotesques de P. Van Ostaijen); mais, aux environs de 1925, une nouvelle génération prend l’homme lui-même comme centre d’intérêt: en Flandre, ce sont M. Roelants, L. Zielens, G. Walschap, F. de Pillecijn; en Hollande, S. Vestdijk, A. Coolen, T. de Vries.

G. Walschap (1898-1989), authentique conteur, s’applique au roman d’analyse. Il fut proposé plusieurs fois par les Flamands pour le prix Nobel; comme les Hollandais présentèrent S. Vestdijk (1898-1971). De Coster, M. ter Braak et E. du Perron – qui contribua au renouveau du roman (Het Land van Herkomst [Le Pays natal ] 1935) – sont des critiques influents de l’entre-deux-guerres. Après 1945, la littérature subit de profondes modifications, influencée par la France dans le sens de l’expérimentation et par l’Amérique dans le sens du néo-naturalisme. La poésie des années cinquante rompt complètement avec la poétique traditionnelle par la création expérimentale d’une langue «viscérale», d’images autonomes, et par le refus de la rhétorique traditionnelle. Avec les poètes expérimentaux de cette génération, la poésie connaît de nouveau un plein épanouissement.

Sous une forme plus atténuée, ceux des années soixante suivent la même voie dans leur Nouveau Style (C. Buddingh’, Armando, H. Verhagen, J. Bernlef, R. Jooris, P. Lasoen, H. de Coninck). Cette poésie néo-réaliste veut principalement abaisser le «seuil de l’étonnement» (J. Bernlef) et attirer l’attention sur la poésie du monde quotidien, projet qu’elle réalise dans une préférence marquée pour les sujets triviaux et dans une forme voulue a-poétique (ready-mades ). À partir des années soixante-dix, une tendance néo-romantique se fait jour dans la poésie, qui reste néanmoins toujours tempérée d’ironie et de distanciation (J. t’ Hooft, G. Komrij, L. Gruwez).

Le roman conserve l’écriture traditionnelle avec, toutefois, des thèmes contemporains chez des auteurs comme M. Gijsen, R. Brulez, A. Blaman, A. Koolhaas, P. Van Aken, G. Van het Reve, H. Haasse. J. Daisne et H. Lampo pratiquent une sorte de réalisme onirique. L’expérimentation, analogue à celle du roman français et allemand, conquiert la prose romanesque avec l’œuvre de L. P. Boon, H. Claus, W. F. Hermans, H. Mulisch, P. de Wispelaere, H. Raes, W. Roggeman, I. Michiels, J. Geeraerts. Le romancier et poète Cees Nooteboom a acquis, ces dernières années, une réputation grandissante.

Comme dans la poésie, un tournant romantique se dessine dans la prose, notamment avec l’œuvre de M’t Hart, D. A. Kooiman, F. Kellendonk, O. de Jong. Ici aussi, les expériences et événements quotidiens deviennent objets de littérature, avec une légère nuance d’aliénation, de rupture de contact humain et de mélancolie teintée d’ironie. En même temps, on distingue le courant dit «académique» qui vise à développer une prose absolue.

Le théâtre s’avance moins loin dans le domaine du renouveau expérimental, bien que les œuvres de H. Hensen, J. Van Hoeck, D. Frenkel Frank, W. Van den Broeck, Hugo Claus ne soient pas négligeables, surtout celles de Claus, qui a également publié des poèmes et de nombreux romans. L’essai et la critique s’inspirent de courants venus de l’étranger: l’œuvre autonome, le «close reading», le structuralisme. La nouvelle critique s’exprime dans des revues telles que De Gids , Dietsche Warande en Belfort , Nieuw Vlaams Tijdschrift , De Vlaamse Gids , dans de nouveaux périodiques et dans les travaux de jeunes critiques comme A. Westerlinck, P. de Wispeleare, B. Kemp, K. Fens, H. U. Jessurun d’Oliveira et J. J. Oversteegen.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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